La pépinière royale de Vaise a eu son heure de gloire avant la révolution française sous la direction de l'abbé Rozier. Les archives départementales et métropolitaines du Rhône (ADMR) conservent de nombreux documents à ce sujet.
Au tout début du XVIIème siècle, Sully, surintendant des finances d’Henry IV, avait ordonné qu’on plantât un arbre dans tous les villages de France. A cette époque, de nombreux tilleuls ou ormes furent aussi installés sur les bords des routes de France sur les ordres du grand voyer. Un arrêt royal du 3 mai 1720 fixait des règles très précises pour notamment la plantation d’arbres le long des grands chemins de France.
Il fallut donc cultiver de nombreux arbres. Des pépinières royales furent créées au milieu du XVIIIème siècle à Paris (pépinière royale du Louvre), Troyes[1], à Tours[2], à Nancy[3], Colmar et d’autres villes du royaume.
Selon certaines sources, la pépinière de Lyon existait en 1643[4]. Elle aurait été située au bas du coteau de Champvert sur un terrain acheté depuis peu par l’archevêque qui administre le diocèse. Elle ne figure pourtant pas sur le magnifique plan de 1763 du notaire Contamine exécuté pour les chanoines du chapitre de Saint Just[5]. Seul un petit verger est légendé dans le grand domaine des Dames religieuses des Deux Amants.
Le 9 février 1767 à Versailles, un arrêt du conseil d’état[6] du roi ordonne qu’on choisisse des enfants trouvés pour cultiver les pépinières du royaume. Les enfants trouvés employés auront plus de 12 ans et ne pourront en sortir qu’à l’âge de 25 ans. Ils seront alors placés en qualité de pépiniers et une gratification de 300 livres leur sera attribuée.Les enfants seront instruits dans la culture de toutes les espèces.
Cette même année, l’inspecteur général des pépinières de France[7] affirme qu’il n’y avait plus d’ormes il y a trois ans dans la pépinière royale de Lyon. Cet établissement existait donc déjà en 1764.
Le premier bail[8] d’une durée de 9 ans, a été signé le 22 février 1778 entre l’Intendant et le premier monastère de Sainte Elisabeth au territoire de Belle Cour lès Vaise pour un emplacement occupé par une pépinière. Les sœurs en profitent pour demander à l’intendant de pouvoir utiliser les cuves si elles en ont besoin à l’issue des vendanges. Elles demandent aussi de réparer le pressoir dans leur cave !
Un autre document[9] indique que le bail fut passé le 8 mai 1779. Une quittance datée du 26 juillet 1779 confirme que les sœurs de Sainte Elisabeth ont reçu une somme de mille livres pour l’établissement de la pépinière royale pour le premier terme échu à la fête de Saint Jean Baptiste.
Dans son rapport de 12 pages[10] malheureusement non daté, l’abbé François Rozier, directeur de la pépinière, loue la qualité de la terre et la présence constante de l’eau qui évite toute sécheresse. Il aurait pourtant préféré que cette pépinière soit implantée à la Croix Rousse plus proche de son habitation mais cela aurait demandé un apport important de fumier, objet très coûteux. Il dit lui-même qu’il sacrifie son intérêt personnel et affirme qu’il faut passer deux baux de 9 ans afin d’assurer une paisible jouissance pendant 18 ans. Il donne ensuite des consignes d’organisation du travail. L’abbé Rozier se plaint ensuite que, outre l’utilisation des arbres pour les grandes routes, ce sont les gens riches qui se sont procurés des arbres. Le pauvre paysan a été oublié parce qu’il n’a pas osé le demander. Il demande donc que ce soit le curé de chaque paroisse qui distribue les arbres avec une lettre d’avertissement qui contiendrait un petit mémoire instructif sur la manière de les planter. L’abbé prévoit enfin la création d’une école de jardiniers à l’image de la première école vétérinaire toute proche récemment créée par Claude Bourgelat et dont il a été un des professeurs dès 1761.
Un règlement en 16 articles est promulgué le 12 septembre 1782[11]. Il indique que pour la plantation des routes les espèces choisies seront les ormes, les frênes, les sycomores et les peupliers d’Italie et en plus grande quantité les noyers et les châtaigniers. Il donne toutes les consignes et jardiniers pour cultiver de très beaux arbres. En 1785, la pépinière cultivait 8940 arbres, dont 1042 pour les grandes routes. Elle produisait 1409 arbres fruitiers (poiriers, pommiers, pruniers, cerisiers et amandiers) pour les riches propriétaires qui commandaient parfois le double de ce que la pépinière pouvait produire. Pour les exercices 1785, 1786 et 1787[12], les budgets étaient de 6000 livres par an dont 2000 livres de location versées aux sœurs de Sainte Elisabeth.
La pépinière royale de Vaise crée la première école d’arboriculture[13] française qui sera ouverte le 1er décembre 1787. Elle accueillera 12 élèves de plus de 18 ans sachant lire et écrire. A partir du 1er janvier 1789, le nombre d’élèves sera illimité (Cette disposition ne sera jamais mise en place). Elle sera dirigée par Monsieur l’abbé Rozier. Elle sera régit sur le même plan que les écoles vétérinaires, c'est-à-dire que chaque Province ou chaque propriétaire aura la faculté d’y entretenir un ou plusieurs élèves qui seront instruits gratuitement pendant deux années consécutives.
L’école pour la culture des arbres fruitiers et forestiers établie à Lyon jouira du titre d’école royale et de tous les privilèges qui y sont attachés à l’instar des écoles vétérinaires établies à Paris et à Lyon[14]. Cette pépinière était un très gros pourvoyeur d’arbres et alimentait les villes environnantes[15].
En conclusion d’un document royal confirmant l’établissement d’une école pratique pour l’éducation des arbres forestiers, le rédacteur affirme que l’affluence des élèves, même de différentes nations, pendant l’année 1788 a déterminé sa majesté à confirmer cet établissement[16].
Dans un courrier au district de Lyon le 7 juillet 1790[17], l’abbé Rozier défend les avantages de cette pépinière dans l’espoir qu’elle sera épargnée par la tourmente révolutionnaire. C’est la seule école de jardiniers française. Il demande que l’état achète la propriété des sœurs de Ste Elisabeth soumise à la vente décrétée par l’Assemblée Nationale.
L’abbé François Rozier, directeur de la pépinière, meurt le 23 septembre 1793, écrasé par une bombe dans son lit, lors du siège de la ville de Lyon.
Détruite pendant la révolution, la pépinière royale fut rétablie en 1801 dans les jardins du monastère de la Desserte, puis abandonnée à nouveau. Elle fut ensuite transportée dans l’enclos de l’Observance[18].
Après des essais d’implantation notamment aux Charpennes, M Jacques François Madiot[19] établit les pépinières lyonnaises aux Cordeliers de l’Observance et à Perrache. Il s’occupa particulièrement de celle de Vaise où il cultiva une très grande quantité de mûriers. Il regretta la perte de cette pépinière de la Desserte à l’Observance car elle contenait beaucoup d’arbres fruitiers de diverses espèces et d’arbres exotiques. La ville de Lyon devait former des rues et des bâtiments afin de faciliter les communications.
En 1834, dans le journal de Lyon M Hénon[20], directeur de la pépinière royale de cette ville, annonce que le mûrier multicaudal est cultivé depuis plusieurs années à Vaise dans la pépinière de M Nerard, jardinier pépiniériste. Son père l’avait reçu antérieurement à 1809. Il dit avoir rencontré ce mûrier dans la pépinière de M Nerard cadet en 1800 à Vaise. Ce mûrier a été objet d’études et de transformations pendant la première partie du XIXème siècle en lien avec l’industrie de la soie à Lyon.
Pendant le XIXème siècle, le tènement de la pépinière fut vendu parcelle après parcelle jusqu’au 22 octobre 1924 date à laquelle la société Brissac frères le cède à la société pour la fabrication de la soie artificielle Rhodiaceta. A Vaise, le passage de la soie naturelle à la soie artificielle était ainsi acté.
La dénomination de la rue de la pépinière royale qui joint la Salle Jean Couty à la rue Michel Berthet par le conseil municipal de la Ville de Lyon en date du 17 mai 2010 permet de garder mémoire de ce lieu autrefois situé au bas du vallon de Champvert.
Christian Déal / mars 2019 / ARHOLY
[1] La pépinière royale de Troyes 1724-1793 – L’arrêt du 27 juin 1768 approuva sa création
[2] Histoire de l’académie royale des sciences 1787
[3] Dictionnaire universel de la France Paris 1771 tome 4 p 595
[4] Archives Historiques et Statistique du département du Rhône – Barret imprimeur Lyon 1827 p 199-209
[5] ADMR 12G 527 - Plan de la rente noble du chapitre de Saint Just
[6] ADMR 1C 24 - Arrêt du conseil d’état du roi du 9 février 1767
[7] Œuvres complètes de Voltaire Correspondance générale– Armand Aubrée éditeur Paris 1830 tome 7 p 431
[8] ADMR 1C 24 – pièce non cotée – Bail à ferme
[9] ADMR 1C 24 bail à ferme du 18 octobre 1787. Dans l’article second, Monsieur l’Intendant du Roi se donne la liberté de faire réparer un ancien aqueduc situé vers le milieu d’une balme plantée en vigne au dessous de la maison du maître pour conduire les eaux dans la pépinière.
[10] ADMR 1C 24 pièce non cotée – Observations générales sur la pépinière de Lyon.
[11] ADMR 1C 24 pièce non cotée – Ordonnance portant règlement sur la pépinière royale.
[12] ADMR 1C 24 pièce non cotée – Etat des ordonnances expédiées sur les fonds de la pépinière.
[13] ADMR 1C 25 pièce non cotée – Etablissement d’une école pratique pour l’éducation d’arbres fruitiers et forestiers.
[14] ADMR 1C - 24 Projet d’arrêt – L’article 6 précise que « Fait sa majesté défense de distribuer gratuitement aucun arbre fruitier à tout particulier payant au dessus de 10 livres de principal de taille et aucun arbre forestier et fruitier à tout particulier payant au dessus de 50 livres de taille principale. »
[15] ADMR 1C 25 – La pépinière délivre au Sieur Nicolon, négociant à St Etienne, la quantité de 300 marronniers d’Inde le 31 octobre 1788.
[16] [16] ADMR 1C 25 – La ville de Lyon doit se glorifier d’avoir été le berceau des deux plus beaux établissements pratiques en faveur de l’agriculture, son école vétérinaire et son école de la pépinière royale.
[17] ADMR 1C25 – Lettre de l’abbé Rosier au département. L’introduction est flatteuse pour les révolutionnaires : « Il était temps que les vertus civiques, si longtemps dédaignées, trouvassent enfin dans la chose même la couronne qu’elles méritent. Il se lève pour nous une belle aurore et elle annonce le plus beau des jours.» La suite est flatteuse pour lui-même : « Puisse la révolution patriotique si ardemment désirée ne trouver plus que des français aussi dévoués au lieu public que je l’ai été et que je le serai jusqu’au dernier instant de ma vie. »
[18] Voyage Pittoresque et Historique à Lyon par M. F. M. Fortis – Bossange frère 1812 p188-189
[19] Gallica – Notice nécrologique sur M Madiot, directeur de la pépinière du Rhône 1833.
[20] Gallica - Rapport de M Jaume Saint Hilaire de la société royale et centrale d’agriculture du 18 juin 1834.
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